Vendée - Trop sec pour la mogette

Les premières mogettes ont été battues. Si des parcelles patientent encore, les rendements se devinent déjà très très moyens. L’avis de Loïc Guitton, directeur des productions spécialisées à la Cavac.

Le battage de la mogette a démarré la semaine dernière. Peut-on déjà conclure que 2022 sera une mauvaise année ?
Loïc Guitton : À ce jour, environ 25 % des surfaces ont été récoltées. 2022 est d’ailleurs une année marquante par cette précocité (15 à 20 jours d’avance). Si on ne peut pas établir un bilan complet pour le moment, on sait que l’on se dirige vers des rendements faibles, voire très faibles : entre 30 et 50 % inférieurs aux chiffres habituels (alors que les rendements de 2021 les dépassaient de 20 à 25 %). Les coups de chaleur successifs ont perturbé la floraison sur 100 % de la production vendéenne, quelle que soit la zone pédoclimatique, quelle que soit la date de semis.

Que faut-il espérer des parcelles non récoltées ?
On peut espérer des conditions plus favorables sur ces prochaines semaines car quasiment toutes les parcelles sont désormais à maturité pour être récoltées. Le peu de pluie tombée dernièrement abaisse la température et améliore les conditions de battages. Si la météo reste plus clémente, on pourrait ainsi préserver la qualité des grains et limiter les pertes au battage et au triage.

Selon vous, les mauvaises conditions de cette campagne pourraient-elles décourager les producteurs de mogette jusqu’à les désengager de cette production ?
Je pense que la plupart des agriculteurs analyseront la situation en perspective avec le contexte très moyen des autres productions végétales. La mogette reste convaincante sur plusieurs points : c’est une bonne tête d’assolement ; elle contribue à la diversification des cultures et à l’étalement de la charge de travail ; elle est moins exposée aux fluctuations de prix grâce à la structuration de sa filière.


Témoignages
Maxime Sionneau, en charge des cultures au sein du Gaec Millepertuis, à Sainte-Florence
« Autour d’1 t/ha »
« C’est seulement la troisième année que l’on cultive de la mogette sur 10 ha en label Rouge. Après des rendements très bons en 2021, 3,4 t/ha, ceux de cette année seront catastrophiques, autour d’1 t/ha. C’est deux fois moins que lors de notre toute première récolte en 2020 !
Nous avons battu et ramassé nos 10 ha la semaine dernière. Un choix difficile. Au moment de l’arracher, il y avait quelques gousses encore vertes (on avait relancé un peu l’arrosage par endroit pour stimuler la fin de pousse) tandis que d’autres étaient trop sèches. Mais impossible d’attendre davantage, certains grains commençaient à tomber. C’est vraiment le gros coup de chaleur à la mi-juin, en pleine floraison, qui a stoppé toute évolution. On a vu les conséquences rapidement : les gousses étaient incomplètes avec deux à trois grains avortés. La météo de la semaine passée avec un vent séchant était la pire situation ; nous avons été obligés de battre de nuit !
La mogette est une culture compliquée car son cycle est court (semée le 11 mai, battue vers le 8 août) et les semis délicats (il faut que la plante lève vite et prenne de l’ampleur rapidement pour avoir une régularité). Mais on ne peut pas remettre en question l’intérêt d’une telle production sur une année que l’on espère non représentative de l’avenir. La mogette offre une rentabilité économique intéressante et c’est aussi un bon précédent pour la rotation des cultures. »

Jean-Henri Bruneleau, Gaec Bruneleau, Coëx
« La mogette, c’est du stress mais… »
« Voilà une quarantaine d’années que nous cultivons de la mogette ! Nous n’avons pas encore récolté notre trentaine d’hectares. La pluie repousse un peu l’échéance. Pas d’illusion pour autant, on sait déjà qu’il n’y aura pas de grains. Sans irrigation, nous avons choisi une variété (la coco) qui souffre un peu moins. Elle était encore un peu verte il y a quelques jours. Mais c’est évident que nous aurions forcément de meilleurs rendements et surtout une meilleure qualité si nous avions pu apporter de l’eau. Cette année, on s’attend à un rendement maximum de 1 t/ha (on avait atteint 2,7 t/ha l’an dernier).
Je dis souvent qu’il faut cocher trois arguments pour réussir une telle culture : 30 % dépend des semis (une terre bien réchauffée) ; 30 % de l’enherbement ; 30 % de la récolte (la battre rapidement mais lui laisser le temps de sécher toute seule pour garantir son homogénéité). Une telle production exige un suréquipement. Nous possédons une arracheuse, une andaineuse, une batteuse. Cela implique donc des coûts de mécanisation importants.
C’est une culture onéreuse dans sa mise en place et très exigeante jusqu’au bout. La pluie peut tout gâcher au dernier moment : des taches se développent sur les grains et c’est foutu…
Nous avions fait le choix de produire de la mogette pour sortir de cultures plus habituelles et surtout nous aimions l’idée de travailler pour l’alimentation humaine. Cela demande une attention toute particulière, d’autant plus en label. Oui la mogette, c’est du stress ! Mais nous n’oublions pas ses atouts. Quand les années sont bonnes, elle est rentable. On se rappelle aussi l’époque où la filière IGP n’était pas encore organisée, où les prix fluctuaient terriblement au gré de la concurrence internationale. Aujourd’hui, nos prix sont stables (1,45 €/kg). La production et les débouchés sont structurés. J’espère qu’une telle année ne découragera pas les producteurs. »

Catherine Baty