Influenza aviaire – « Heureusement qu’il y a de la solidarité entre agriculteurs ! »

Justine Picard, éleveuse de canards, installée depuis 2018, a dû enfouir ses canards le 15 mars.

« Tout a commencé le 9 mars au matin, quand je suis entrée dans mon bâtiment. Il y avait quelques canards avec des symptômes neurologiques et peu de mortalité. Globalement les canards allaient bien. J’ai quand même fait des vidéos que j’ai envoyées à mon technicien. Il m’a dit qu’il fallait faire des prélèvements car il y avait de grandes chances que ce soit la grippe aviaire. Le midi, ils sont venus faire des prélèvements.
Le lendemain matin, il y avait 200 ou 300 morts et ça n’a fait que monter crescendo. À partir de ce moment, je ne rentrais plus dans le bâtiment. On m’a dit de laisser les canards tranquilles et de ne pas aller voir ce qu’il se passait... Le soir, le président de l’UCSEA de mon secteur avait organisé une réunion pour tous les éleveurs avicoles. On s’est vraiment senti soutenus, ils étaient là pour répondre à nos interrogations. On a aussi pris la décision de créer un groupe WhatsApp pour tous les agriculteurs, pour ne laisser personne seul.
Le vendredi, j’ai eu le résultat des écouvillons et le verdict était sans appel, mon bâtiment était positif à l’influenza aviaire. Il a fallu attendre que le week-end passe.
Dans le week-end, je me suis dit qu’il fallait que je trouve du monde pour vider mon bâtiment et 25 personnes, toutes issues du groupe WhatsApp, sont venues m’aider. Ce n’était pas forcément des aviculteurs, il y avait des éleveurs de bovins lait, par exemple. Heureusement, il y a une solidarité entre agriculteurs, je me suis sentie soutenue ! Sans ce groupe pour discuter et s’entraider ça aurait été très compliqué pour moi.
Comme j’avais demandé à enfouir mes canards dans mon exploitation, l’hydrogéologue est venu le lundi. Avec son accord, on a fait une fosse qui fait environ 40 m sur 2 et 3 m de profondeur.
Le mardi, on a enfoui les canards. On a mis trois heures et demie à vider le bâtiment. C’était un vrai coup dur, mais au moins les animaux ne souffraient plus. Dans mon cas, en une semaine, le problème était réglé. Il y a des éleveurs pour qui c'est beaucoup plus compliqué. Par exemple, cette semaine, je suis allée vider un bâtiment qui était touché depuis quinze jours.
Je commence seulement à me poser des questions sur l’après. A priori, des aides vont être versées. Le souci pour nous, c’est qu’on va arrêter notre atelier de vaches laitières suite à des départs en retraite. On ne sait pas comment va être la trésorerie. En revanche, on sait que les canards ne vont pas rentrer tout de suite.
Peut-être qu’il va falloir travailler en dehors du Gaec le temps de trouver des solutions et que les canetons arrivent. J’attends de voir comment vont être distribuées les aides et si la période de vide va être indemnisée. On attend aussi les protocoles de désinfection des bâtiments afin de repartir sur du propre.
On ne sait pas comment vont être les années à venir. J’espère qu’on ne revivra pas la même chose l’an prochain. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut être prêt à repartir, reste à savoir quand et comment. »

JOHANNA KERSCHENMEYER